Le Bourgeois gentilhomme

18 avril 1997 — 4 mai 1997

de Molière
Une création du Théâtre du Loup

Ces temps-ci, Monsieur Jourdain est ailleurs
Sa famille s’inquiète. alors qu’il devrait se contenter de faire fructifier son commerce de drap, marier sa fille et rendre heureuse Madame Jourdain, Monsieur Jourdain s’est mis en tête d’être un gentilhomme.
Monsieur Jourdain a oublié quelle est sa place.
Il rêve d’assister au lever du Roi, d’aller vers le centre du monde : Versaille (il jubile lorsque Dorante lui fait croire que son nom a volé jusqu’à l’oreille du Roi). Il veut “hanter les grands seigneurs”, chez qui il n’y a selon lui “qu’honneur et civilité”.
Il veut aller là où se promènent les belles marquises, comme cette Dorimène dont il est secrètement amoureux. Autour d’elle gravitent tous ses fantasmes, elle est un ange, la sûre garantie de sortir de sa médiocrité. 
Alors il est prêt à tout pour y arriver : apprendre la danse, l’escrime, le chant, la philosophie. Il a une soif de connaissance certes mal orientée mais sincère, inextinguinble, totale. Il sent confusément que le monde est injuste, que ses parents ne lui ont pas donné l’éducation qu’il méraitait. Il pense que l’argent fait le bonheur.
Hélas, il est un rêveur dans un cosmos violent. La turbulente leçon de physique du maître de philosophie l’effraie. Il est en crise, tout l’énerve et s’oppose à lui. En une journée cruciale où se succèdent à un rythme fou les leçons qui doivent l’améliorer, tout devient obstacle et frustration.
Notre homme va craquer : il bat sa bonne, il menace sa femme, il est abusé par ses maîtres, pour qui chaque heure de cours dispensée tient la pauvreté à l’écart pendant un jour de plus.
Les nobles se débattent eux aussi dans cet univers, ils se moquent de ce grimpion dont ils dépendent parce qu’il est riche, haïssant cette servitude, ayant sans arrêt envie de mordre la main qui les nourrit. Ce qui est étrange, c’est que le Roi, le commanditaire de la pièce, ne se soit pas rendu compte que la plaisanterie se retournait contre lui, avec sa vision décadente d’une noblesse, donc d’une monarchie, parasitaire et profiteuse.
Car il faudrait rire comme rit le Roi qui est là pour rappeler à tous que le monde à un ordre qu’il faut respecter, sous peine de mettre toute la hiérarchie en péril. Le Roi rappelle à l’ordre le trublion qui a osé rêver, même à tort, d’un ailleurs et d’autre chose. Il condamne celui qui veut changer de place. Or rien n’est plus légitime que de vouloir changer de place. Il punit la curiosité, et la curiosité est le plus nécessaire des défauts.
Certes, les aspirations de Jourdain sont limitées, il ne veut que son propre bonheur, il est un suprême égoïste et un naïf. Il veut cesser d’être raisonnable, il veut séduire la belle marquise, balancer sa femme.
Malgré cela, il faut reconnaître à Jourdain sa soif de rêve, sa passion débordante et sa part rebelle. En d’autres mots, sa vitalité. Partons du principe que cette vitalité est positive.
Dominic Noble

Le Théâtre du Loup a organisé pour les plus grands enfants de ses ateliers un travail sur le texte et l’improvisation autour de Molière. Suite à leur enthousiasme, nous leur avons proposé à tous, quelques mois plus tard, de monter une version à peine raccourcie du Bourgeois gentilhomme, dans laquelle ils joueraient tous les rôles. Ceci à condition d’y consacrer trois mois de répétition, à raison de deux jours par semaine. C’est peu pour monter une vraie pièce, c’est beaucoup pour des enfants qui devront y mettre le meilleur de leur temps libre.
Sur 24 enfants, 22 sont partants pour cette aventure qui est une sorte de première dans l’histoire du Loup : si la plupart ont déjà participé à deux ou trois spectacles de la compagnie, c’était toujours avec la présence de comédiens adultes sur scène ; cette fois, les “grands” resteront en coulisse ou éventuellement dans la cage du souffleur…
Dans un tel contexte, la distribution des rôles est un exercice délicat qui doit tenir compte évidemment des personnages, mais aussi beaucoup des protagonistes, de leurs désirs, affinités, potentialités parfois bien enfouies, comme la dynamique de l’ensemble.
Quant aux différences d’âge et de genre, ce n’est pas vraiment un problème : des enfants jouant aux adultes, des filles jouant des hommes… nous pensons que cet effet de distance, de double jeu, sert bien le projet qui est somme toute de raconter l’histoire de quelqu’un qui s’efforce d’être ce qu’il n’est pas, au milieu d’un entourage qui finit par se déguiser dans un énorme mascarade, afin de mieux l’abuser.

Mise en scène et animation 
Perette Gonet, Eric Jeanmonod, Dominic Noble,
Rossella Riccaboni, Sandro Rossetti,
avec la participation de Franziska Kahl

Avec les enfants
Iannis Blank-Jacobetty : Le Maître d’armes, Covielle, percussion
Rachel Bolle : Dorimène, piano
Gabriel Bonnefoy : Danseur, garçon tailleur, page turc
Laura Carvalho-Kosuchovski : Choriste, cuisinier, page turc
Manuel Cohen : Le Maître tailleur, guitare électrique
Delphina De Giorgi : Le Maître à danser, page turc, choriste
Malena Demierre : Elève du Maître de musique, choriste, page turc, guitare
Léonore Després : Lucile
Tamara Fischer : Le Maître de Philosophie, page turc
Pauline François : Dorante
Guillaume Gendre : Cuisinier, garde turc, régie coulisses
Fabrice Hagmann : Mr. Jourdain
Fanny Laemmel : Danseuse, garçon tailleur, le Mufti
Maude Lançon : Le Maître de musique, page turc, piano
Anaïs Latis : Mme Jourdain
Noémie Latis : 1er garçon tailleur, page turc, choriste
Cornélia Matheüs : Choriste, cuisinier, page turc
Gaspard Mazliah-Jaussi : Laquais
Erline O’Donovan : Laquais
Noham Reichel : Choriste, cuisinière, page turc
Alice Rey-Berthet : Cléonte
Lola Riccaboni, Nicole : piano

Adaptation et composition musicale
Claude Jordan, d’après Lully
Décors et costumes
Eric Jeanmonod
Réalisation des costumes
Marie Barone et Isabelle Boucharlat (Façon Usine)
Lumières
Jean-Philippe Roy
Chapeaux
Grégoria Reccio
Perruques et coiffures
Catherine Zingg
Accessoires
Nadia Arlaud
Régie et technique
Marius Durand
Affiche
Louise Bonnet (les Studios Lolos West)
Administration
Philippe Clerc
Accueil
Sibylle Monney
Production
Théâtre du Loup

Du 18 avril au 4 mai 1997, au Théâtre du Loup
7, 10 et 11 mai, au Châtelard, Ferney-Voltaire
Reprise du 17 janvier au 3 février 1998, au Théâtre du Loup

Photos