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Lettre ouverte à Monica Bonfanti, commandante de la police genevoise et Carole-Anne Kast, conseillère d’État, à l’occasion d’une intervention disproportionnée des forces de l’ordre lors d’une interpellation à proximité du Théâtre du Loup.

Publié le 20/10/2025

Vendredi 17 octobre, aux alentours de 22 heures, deux jeunes hommes à moto, roulant à vive allure se sont pris de plein fouet une chaine barrant la route d'accès devant le Théâtre du Loup. Ils ont été éjectés violemment de leur véhicule. Quelques personnes du public et des comédien•nes du spectacle, qui venait de se terminer, ont été témoins de la scène. Un des comédiens s'est dirigé vers les deux personnes au sol pour leur porter assistance quand d'autres ont cherché à appeler les secours. Très vite, un véhicule de police roulant lui-aussi à vive allure est arrivé sur les lieux de l'accident. Deux policiers en uniforme sont sortis de leur véhicule. Les personnes présentes - public comme comédien•nes - ont compris que les policiers étaient à la poursuite des deux jeunes hommes pour les interpeller.

Les jeunes hommes étaient toujours au sol, gémissaient de douleur et ne semblaient en rien menaçant. Un des policiers a néanmoins sorti son arme à feu et a exercé une forte pression physique sur un des deux blessés pour lui passer les menottes. Le blessé s'est mis à se plaindre plus vivement qu'il avait mal. Une personne s'est avancée pour faire remarquer au policier qu'il faisait mal au jeune homme au sol alors que celui-ci était déjà blessé et vulnérable. Le policier a alors relevé son pistolet et l'a pointé ostensiblement vers la personne en lui criant : « Recule. » puis « Dégage ». La personne a reculé et comme d'autres personnes, a commencé à filmer la scène. C'est plus ou moins à ce moment-là que deux policiers en civil sont arrivés sur le lieu et ont voulu se saisir des téléphones portables des personnes en train de filmer.

Puis, ils se sont précipités vers un des comédiens du spectacle, qui lui ne filmait pas. Le comédien a voulu rentrer dans le théâtre. Un des policiers l'a suivi dans le foyer du théâtre et a saisi une spectatrice par les épaules qui était sur son chemin et l'a projetée à terre. Le comédien lui s'est fait plaquer au sol, a été menotté, puis emmené en dehors du théâtre. Quand le public et les comédien•nes présent•es dans le foyer ont voulu voir ce qui arrivait au comédien menotté, d'autres policiers, arrivés entre temps sur les lieux, ont intimé aux personnes de rester dans le foyer du théâtre en les menaçant de les gazer s'ils essayaient de sortir. Quelques minutes plus tard, le comédien a été relâché sans que les raisons de son interpellation soient explicitées.

En tant que trio de direction du Théâtre du
Loup, nous sommes profondément choqués. Nous nous interrogeons sur la disproportion des actes en regard de la situation. De l'escalade immédiate de la violence.

Nous nous demandons :
Comment se fait-il que la police qui devrait être formée pour des interventions au milieu de la population ne soit pas en mesure d'évaluer pleinement le niveau de dangerosité d'une situation ?
Comment se fait-il que pour faire reculer une personne non armée, non agressive, un policier pointe son arme à feu sur elle ?
Comment se fait-il que des policiers en civil cherchent à prendre par la force les téléphones portables des personnes qui filment - alors que c'est un droit de filmer dans l'espace public ?
Comment se fait-il que des policiers pénètrent violemment dans l'enceinte du
Théâtre du Loup, un lieu de culture identifié comme tel, bousculant sans égard une spectatrice, plaquant au sol et menottant un comédien qui était resté à plus d'une dizaine de mètres de la scène d'interpellation? Nous notons, pour information, que le comédien qui a été plaqué au sol et menotté était une personne racisée.

Par cette lettre ouverte, nous souhaitons rendre public ce qui s'est déroulé devant et dans l'enceinte du théâtre dont nous assurons la direction. Nous témoignons tout notre soutien à l'équipe du spectacle ainsi qu'aux spectateurs et spectatrices présent•es ce vendredi. Et nous alertons sur une violence déployée de façon inappropriée et totalement disproportionnée par la police genevoise.

Julie Gilbert, Jean-Louis Johannides et
Jérôme Richer
Co-direction du Théâtre du Loup